Une arrivée... plutôt humide

Le ciel était d’une teinte gris-noir. Une brise légère soulevait les feuilles des arbres, et la tresse brune d’Athénaïss, qui observait le pont avec attention. Sa valise, contenant ses affaires était posée sur la terre humide à ses côtés. Une pluie fine se mit à tomber, puis elle s’intensifia. C’était maintenant de grosses gouttes qui tombaient et qui pénétraient à travers les mailles du tricot d’Athénaïss. Elle était vêtue d’un vieux jean, comme à son habitude, et d’un pull beige. Ses Converse® prirent l’eau rapidement, mais pourtant la jeune fille ne bougeait pas d’un iota. Décidément, ce lieu lui faisait froid dans le dos, il n’avait pas l’air tout à fait « normal ». Elle voulait presque faire demi-tour, et renoncer à la chance qui s’offrait à elle… Mais malgré l’impression étrange qu’elle avait, elle se sentait attirée par ce lieu, et elle ramassa sa petite valise, et fit quelques pas. Ses parents n’avaient fait que la déposer un peu plus loin, et s’en étaient allé sans un regard. Elle se sentait si seule dans son monde. Elle avança un peu encore, et atteint le commencement du pont. Elle s’y engagea, en essayant d’ignorer les quelques larmes qui coulaient de ses yeux, faisant couler son crayon par la même occasion. Elle se dit que ce n’était que la pluie, qui ruisselait sur son visage.

Elle jugea prudent de marcher lentement sur le pont, qui semblait glissant. En face d’elle se trouvait le château, et quel château. C’était le plus château que la jeune fille n’avait jamais vu. Elle avança encore un peu, elle se trouvait maintenant au milieu du pont. Mais n’ayant pas encore traverser le pont, la magie n’agissant pas encore en elle, sa timidité reprit le dessus, et elle n’osa plus avancer, de peur de déranger. Elle se mit à se ronger les ongles sous la pluie, devenant de plus en plus abondante, et attendit dans le vent, elle ne savait trop quoi, qui l’aiderait à avancer.

Et ce vent, qui tardait à venir, commença à souffler quelques secondes plus tard. Malgré la pluie, l’air restait chaud, parfois un peu lourd et ce petit vent frais faisait beaucoup de bien aux êtres vivants, surtout humains qui se promenaient aux alentours du domaine. De plus, l’air que le vent chantonnait doucement aux oreilles de deux jeunes filles les incitait plus que tout à se rapprocher encore et toujours de l’entrée du château. L’une d’entre elles, Kyria, était habituée à cette mélodie, car elle était à présent détentrice de ces lieux peu communs. Mais une autre présence féminine ne devait pas y être habituée et c’est probablement cela qui la fit passer le pont rouge.

La jeune gothique sortit du beau château et s’avança sur le petit chemin qui serpentait à travers les diverses parties de l’Académie des Rêves. Quelque chose l’avait avertie de l’arrivée d’une nouvelle étudiante. Maintenant qu’elle était dehors, sous les trombes d’eau qui se déversaient sur le paysage , elle se fiait à son instinct mais surtout à son bon sens qui lui signalait, qu’en général, quand on arrivait dans un lieu nouveau et inconnu, on passait par l’entrée…

Les pas de la demoiselle la menèrent alors au pont rouge où elle put apercevoir une silhouette tout aussi sombre que la sienne. Elle s’en approcha lentement et, une fois qu’elle fut sure qu’on pouvait l’entendre, se présenta

« Bonjour… Kyria Sheryan, suis-moi, je vais te montrer l’Académie… »

Bon, d’accord, c’était une présentation extrêmement courte et minimaliste, mais la demoiselle n’avait pas l’habitude de faire dans la dentelle et puis, si la nouvelle arrivante n’aimait pas, elle pouvait toujours partir, ce dont tout le monde ici doutait…

Une jeune fille, tout de noir vêtue, s’avança lentement vers elle. Peut-être était-ce ce petit quelque chose qu’elle attendait, pour la faire traverser le pont. Elle l’observa donc attentivement, souffla légèrement sur les mèches de cheveux qui lui tombaient devant les yeux pour les enlever, mais la pluie les collaient inévitablement sur ses joues. Elle abandonna donc la partie contre ses cheveux. La jeune fille était maintenant à ses côtés.

« Bonjour… Kyria Sheryan, suis-moi, je vais te montrer l’Académie… »dit l'hôte.Et bien, pour une présentation courte, c’était une présentation courte. Mais ce qui aurait pu en choquer plus d’un, plut à Athénaïss. Elle, qui n’avait pas l’habitude de parler pour ne rien dire, et qui préférait utiliser sa salive pour dire des choses utiles, trouva cette présentation sobre très… plaisante.
Elle se mit à marcher derrière son hôte sans dire mot.
A peine eut-elle traverser le pont, qu’elle sentit son stress diminuer, et d’ailleurs, elle arrêta de se ronger les ongles, choses qu’elle ne faisait jamais en présence d’inconnu.

*Décidément, ce lieu n’est pas comme les autres. J’ai l’impression qu’une énergie positive se dégage de cette terre. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’il y a une bibliothèque bien remplie…*

Kyria engagea alors, non pas la conversation, mais bien la marche, se dirigeant calmement à travers le domaine fort étendu, reconnaissant chaque recoin. Elle emprunta plusieurs petits chemins avant de « tomber » littéralement sur la grande porte d’entrée du château. Cette porte était faite d’un beau bois sombre et bien poli, où reflétaient la faible lumière venant du ciel, obscurcit par les nuages, très sombres et de plus en plus imposants. Les gouttes de pluie s’écrasaient contre la porte, suivant ensuite les rainures des arabesques, qui avaient été gravées dans le bois.

La poignée, que la demoiselle prit en main était en or, un or qui étincelait un peu plus lorsqu’elle le prit en main. Mais elle ne s’y intéressa pas plus que ça, car déjà, elle poussait la porte, entrant dans un hall gigantesque. Un escalier à la fois fait de marbre et de bois occupait en grande partie l’espace ; montant vers les étages supérieurs.

Kyria s’en approcha et posa son pied sur la première marche, s’apprêtant à se rendre vers le couloir des chambres. Cependant, elle marqua un temps d’arrêt et, hésitante, se tourna vers la nouvelle arrivante pour lui dire

« Cette nuit, tu seras seule, mais d’ici quelques jours, d’autres vont arriver… »

D’autres… d’autres rêveurs, certains réguliers, d’autres abandonnés, esseulés ou encore oubliés… Mais ils ne tarderaient pas, cela, Kyria en était persuadée…

Elle finit par se retourner vers les nombreuses marches qui les attendaient. Ici, rien que des escaliers, pas d'ascenceur comme cela commençait à se faire dans beaucoup d'hotel ou d'école qui prenaient une ampleur considérable. Ici, il fallait marcher pour se reposer... ou pour faire n'importe quoi d'autre d'ailleurs ! Mais c'était également ce qui faisait le charme de cet endroit, hors du commun...

Athénaïss suivit la jeune hôte qui avait commencé la marche. Il ne leur fallu pas longtemps pour arriver devant le château, qui lui avait semblait si petit à son arrivée, maintenant, elle se rendait compte de la taille gigantesque du bâtiment. Ses grands yeux ronds curieux commencèrent par regarder le sol et remontèrent tout doucement vers le toit du château, en prenant soin de ne laisser aucun détail lui échapper. Elle notait mentalement tout ce qu’elle voyait, pour pouvoir se le restituer bien des jours après. Tout l’attirait, enfermant son regard dans une spirale infernale, ne lui laissant comme échappatoire que celle de continuer à tout regarder. Chaque pierre, chaque rainure du bois de la porte, chaque petite brindille d’herbe au sol lui demandait un regard. Son étude du château dut s’arrêter lorsque son hôte entra à l’intérieur du château, pour reprendre de plus belle mais une fois entrée dans la bâtisse.

Kyria commença alors l’ascension des escaliers mais finalement s’arrêta pour la regarder et lui dire qu’elle ne sera plus seule très longtemps dans cet endroit, mais cela ne la dérangeait pas de rester seule, au contraire…

Elle sentit qu’elle devait répondre quelque chose, mais elle était dans son mutisme depuis tellement d’années maintenant,… Et pourtant, elle parvînt à articuler des mots, à faire sortir des sons de sa bouche :

« Je… ce n’est pas important… que je me retrouve dans la solitude… cela ne me dérange pas le moins du monde, à vrai dire, rester seul me permet de mieux me connaître. »

Ces quelques mots, innocents, sortirent d’une bouche si pure, d’une voix si angélique, que cela remplit Athénaïss d’une joie intense. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait plus prononcé un mot…